Maitrise de la langue et des langages Prévention de l’illettrisme

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Des nouvelles du projet TAO

27 / 02 / 2021

Le projet TAO est né à l’initiative d’enseignants du premier degré qui souhaitaient évaluer un dispositif didactique innovant et numériquement outillé d’enseignement de l’orthographe : la twictée.

Dans ce dispositif, de courtes dictées sont l’occasion d’un travail de « négociation », en groupe dans la classe, pour justifier les solutions aux problèmes orthographiques rencontrés, puis d’un échange par Twitter avec d’autres classes, pour proposer des corrections et les argumenter grâce à une typologie d’erreurs. La dimension collaborative du dispositif occupe donc une place importante en classe, mais aussi lors de la conception de chaque dictée, entre enseignants du réseau. La production et la correction collaborative de la twictée sous forme de « twoutils » constituent des moments privilégiés de négociation et de formalisation intégrant les ressources numériques telle que le hashtag et l’arobase pour assoir la justification orthographique.

Les recherches proposées par les deux équipes CIRCEFT (EA 4384, Université Paris 8 et UPEC) et des chercheurs du LIDILEM (EA 609, Université Grenoble Alpes) mais aussi CHArt (EA 4004, UPEC), et des chercheurs de la CREALEC reposent sur les méthodologies propres à la sociologie (questionnaires et entretiens), à la linguistique (constitution et analyse de corpus écrits et oraux), à la didactique (observation outillée des situations de classe et des pratiques) et à la psychologie cognitive (expérimentation et analyse en temps réel de la production écrite des élèves).

Elles font aujourd’hui l’objet de publications notamment dans le dernier numéro de GLOTTOPOL, janvier 2021, n°35 : l’équipe de Thierry Pagnier avec lequel nous collaborons depuis 2 ans rend compte de ses avancées.
Dans ce numéro, les articles des sociolinguistes questionnent l’usage littératié du langage, aujourd’hui essentiellement mené à l’oral dans les classes, et source de malentendus.

"Nous appelons usages littératiés du langage les usages qui visent la construction d’un corps de savoirs conceptuels, et qui mobilisent le langage autant pour formaliser le savoir que pour le véhiculer. Ces dimensions, qui historiquement ont été construites dans la fréquentation des ressources de l’écrit, sont aujourd’hui également constitutives des situations d’échanges oraux dans les classes dans les situations d’apprentissage. Il en est ainsi, par exemple, des sollicitations d’échanges argumentatifs fondés sur la mobilisation des savoirs disciplinaires. Deux contributions (Vinel & Bautier et Pagnier & Lavieu-Gwozdz) abordent la question des relations entre la nature des discours d’enseignement de la langue et la familiarité qu’ils peuvent construire chez les élèves avec les objets de savoir linguistique, et ce faisant abordent les conceptions de la langue véhiculées au sein de ces discours, en tant que système de relations entre ses éléments. Le texte de Vinel & Bautier montre, à travers l’étude d’entretiens métagraphiques avec des élèves de fin d’école primaire, que si certains d’entre eux sont en mesure de justifier leur choix orthographique en mobilisant certaines ressources du système linguistique, donc à partir de raisonnements, d’autres se réfèrent à une procédure automatisée et appliquée systématiquement, quel que soit le contexte. La contribution de Pagnier & Lavieu-Gwozdz décrit les modalités de questionnement des élèves et leurs manières de répondre, à travers l’étude d’échanges langagiers lors de séances de classe, et à travers l’étude de trois manuels de français adressés aux élèves des deux dernières années d’école primaire."

Les avancées de la recherche TAO toujours en cours pointent des principes didactiques forts :

 clarifier explicitement avec les élèves l’enjeu d’apprentissage de l’orthographe : ce n’est pas la réponse ou la bonne étiquette donnée, mais la manière dont on s’y prend pour étiqueter ;

 l’étayage du professeur est finement analysé : l’enseignant se doit d’être attentif aux formulations des questions : il s’agit de distinguer les objets de questionnements pour eux-mêmes et dans les interactions pour les faire repérer et distinguer aux élèves. La question en pourquoi ou en comment s’avère plus constructive qu’une question en quoi. L’enseignant veille à exhiber les procédures pour permettre à tous les élèves de construire les catégories ;

 être explicite : « certaines procédures sont mises en acte sans exister en tant que procédure dans le discours : « -ent parce que c’est les enfants qui mangent » sans que le test d’extraction (encadrement) en c’est…que soit explicitement mentionné. » (T. Pagnier)
Préférer les interactions qui visent la catégorisation sur la base de propriétés plutôt que demander des étiquetages aux élèves parait être une piste didactique fertile.

En parallèle, dans l’académie de Créteil, depuis janvier 2019, un parcours M@gistère à partir notamment de ressources vidéos conçues par les chercheurs, s’est élaboré et a été testé lors d’une FFO avec l’appui de Thierry Pagnier, du laboratoire CIRCEFT ESCOL ; ce parcours est désormais disponible pour les formateurs.
Un parcours peut être utilisé aussi, en formation continue depuis 2 ans. Et cette année, le parcours a fait l’objet d’une réutilisation pour le plan d’animation de la circonscription des Côtes d’Armor (22).

Ces échanges interacadémiques sont très fertiles et se poursuivent avec l’association Twictée. Ils excèdent largement l’analyse du dispositif initial pour s’intéresser avec précision à l’apprentissage de l’orthographe et au rôle décisif de l’étage enseignant.